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  René Manzor

36-15 Code Père Noël (AKA Dial Code Santa Claus / Deadly Games)

Interview

Extraits du dossier réalisé par Alain Schlockoff, l’Ecran Fantastique, Janvier 1990

A force d’espoir déçus, on finit par se dire que fantastique ne rimera sans doute jamais avec français. Et puis, soudain, à la faveur d’un film, l’espoir renaît. Ce film, peu apprécié à Paris, mais qui connut un gigantesque succès en province, loin d’être parfait mais néanmoins intéressant et novateur, c’était le Passage. Alain Delon acceptait de cautionner la première œuvre d’un réalisateur de 25 ans. Bien lui en pris. Car trois ans après, l’essai s’est transformé. Avec 36-15 Code Père Noël, René Manzor nous livre une réussite totale, un thriller fantastique à l’égal des meilleures productions américaines.

A quand remonte la genèse de 36-15, et quelles furent tes motivations ou tes sources d’inspiration ?
Ce qui m’a stupéfait, après Le Passage, c’est que j’ai reçu un courrier dément, des lettres incroyables de la part d’individus sur lesquels le filmavait eu un effet bénéfique. Des gens au bord du suicide, et qui, voyant par hasard le film dans une salle de province, avaient repris espoir. Des témoignages de parents également, qui avaient perdus leurs enfants, et qui, croyant en la communication avec l’au-delà, étaient restés en contact avec eux. J’ai eu envie, après, de répondre au courrier. Au lieu de le faire par la plume, j’ai choisi de le faire à travers un nouveau film. C’est cela qui m’a incité à tourner 36-15.

Parle-nous de ton enfance...
J’étais conscient de mon enfance. Je n’étais pas un bouchon sur l’eau qui va vers l’âge adulte accidentellement. Je savais que c’était bien ce que je vivais, que ça ne durerait pas, et j’avais envie que ça dure le plus longtemps possible. Lorsque l’instant charnière s’est produit, j’ai vécu les choses exactement de cette manière : j’étais l’enfant-cocon de quelqu’un qui m’était étranger, et qui s’était nourri de moi, qui était l’adulte que j’allais devenir et qui me bouffait tous les jours un peu plus. Un duel à mort entre moi et moi. C’est ce duel que je raconte dans 36-15, donc, forcément, ça prend une consonance fantastique.
Ce moment charnière où l’enfant commence à se poser des questions sur l’existence de l’imaginaire, du merveilleux et de celle de la mort. J’analyse tout ça, mais en me servant du « spectacle » ; parce que quand je vais dans une salle obscure, je n’ai pas envie de m’y ennuyer. Le film peut se voir au premier degré comme un thriller décapant, mais en fait, derrière, il y a des idées beaucoup plus fortes que la simple distraction.

Tu as quand même conscience d’avoir donné un certain caractère d’épouvante au film ?
Le caractère disons cauchemardesque que prennent les situations quand tu es enfant. Pour moi, c’est un film sur la peur, la vraie, la peur du noir qui ne te quitte jamais même quand tu es adulte. Il suffit que tu éteignes la lumière et tu la vois resurgir en toi. Tu as beau te raisonner, la peur est là, tu t’en souviens. Quand on était enfant, on a tous, dans le noir, vu des monstres sur les chaises à la place des manteaux. Eh bien je travaille dans ce monde-là. A aucun moment, le film ne fait peur par un côté grand-guignolesque ou gore. C’est ce qui le rend impressionnant.

Revenons sur la notion de « spectacle ». Dans 36-15, ce qui est frappant, outre la thématique, c’est la perfection de son style. Le progrès technique par rapport au Passage est énorme...
Je ne l’analyse pas comme un « progrès ». Si j’avais fait des prouesses techniques dans Le Passage, cela aurait nui au message premier : l’histoire d’amour entre un père et un fils. 36-15 avait besoin d’un support renforcé de la mise en scène pour mettre en relief le regard de l’enfant. En fait, mon rôle était de prendre les yeux d’un enfant et de les placer dans les orbites de chaque spectateur ! Dans Le Passage, mon rôle était de disparaître le plus possible en tant que metteur en scène pour servir l’auteur. Pour moi, le premier doit être au service du second.

Les intérieurs du château ont été construits en studio par rapport aux mouvements de caméra ?
Complètement, par rapport même au choix des focales. J’ai même fait des constructions en trompe-l’œil de temps en temps pour traduire la vue subjective de l’enfant. Quand tu es enfant, tout te paraît énorme. Le premier sentiment que tu as quand tu retournes dans la maison où tu as vécu enfant, c’est que tu retrouves tout petit. Le choix des focales est très important pour ça.

Comment travailles-tu avec les comédiens ?
Je pars du principe qu’un personnage a besoin d’un père et d’une mère. Moi je suis la mère, parce que je l’ai porté, ce personnage. Quand je cherche un comédien ou une comédienne, je cherche un père. J’ai besoin du regard du père sur le personnage, la manière dont il va l’appréhender, l’opinion qu’il en aura est capitale. Je suis très directif avec les comédiens, j’ignore si c’est une bonne ou une mauvaise chose, mais, à l’arrivée, le personnage doit être d’une certaine façon. Il y a plein de variantes autour de cette façon, mais il n’y a pas un autre chemin. Il n’y en a qu’un.

Et le scénario ?
Le travail du scénariste est un travail solitaire pour moi, qui commence le jour où le trouve une idée que je développe en sujet. Une fois que j’ai le sujet, je construis mon film avant de le rédiger. J’ai un comportement d’alchimiste. Autour de cette idée, je construis une structure très solide. Dès que je sais comment l’histoire commence, rebondit et se termine, je travaille les personnages un par un. Je leur fais une vie extérieure à l’histoire.
Je sais où ils sont nés, comment ils ont grandi, quels ont été leurs problèmes, les gens qu’ils ont aimés, détestés, ou perdus. Et, à ce moment-là, ils existent vraiment. Ils ont des envies, des problèmes, des déceptions, des goûts. Je les amène ensuite dans l’histoire et je les fais se rencontrer. J’entame les dialogues du film parce que, dès lors, ils ont des choses à se dire. Existant par eux-mêmes, ils font évoluer plus ou moins l’histoire.

N’envisages-tu pas de faire autre chose, entre les films ? Des pubs, par exemple ?
Je suis très attiré par le théâtre. Je considère tellement l’outil cinéma comme un outil, qu’il ne me fascine pas du tout en tant qu’outil. Il m’aide simplement. Je pense que la scène peut m’apporter autre chose, me faire évoluer dans mon travail avec les comédiens, et c’est quand même eux qui font pleurer ou rire. Et je crois que ce muscle-là, on ne le fait pas assez travailler nous, metteurs en scène. On fait beaucoup travailler notre œil, le côté mécanique (au sens 24 images/seconde) des choses, mais pas assez le reste. L’expérience théâtrale me manque parce que le rapport avec des comédiens est quelque chose de capital pour moi.

C’est paradoxal d’entendre cela de la part de quelqu’un qui maîtrise aussi bien que toi le langage cinématographique... La plupart des réalisateurs français actuels font soit du style à outrance ou alors sont incapables de faire un film techniquement comparable à ceux qui se tournent à l’étranger.
Je crois qu’il y a plein de gens qui sont capables de concilier les deux, direction d’acteur et technique, mais ils sont pas à l’antenne. Moi j’ai été en errance, dans les limbes de ce métier pendant longtemps. Et, dans ces limbes, tu croises d’autres morts-vivants. Tu sais qu’ils existent. Il y a des tas de gens, chez nous, comédiens, metteurs en scène, scénaristes, et cela m’énerve d’entendre les gens de notre métier porter aux nues d’autres territoires. Ce sont les croque-mort de notre profession.
Copyright © 2006 - René Manzor