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  René Manzor

Dans les Brumes du Mal

Interview

UN LIVRE EN CINQ QUESTIONS par Yvan Fauth

YF : Tu n’es pas le premier auteur francophone à t’être lancé dans des thrillers se déroulant aux Etats-Unis. Mais alors que beaucoup proposent une vision en carton-pâte, ton environnement est incroyable de réalisme. Comment as-tu procédé pour arriver à un tel résultat ?

RM : Quand j’écris un roman, une fois le plan et la structure terminés et avant la rédaction proprement dite, je pars dans le pays où se déroule l’action à la recherche de mes décors, exactement comme lorsque je m’apprête à tourner un film. Dans le jargon cinématographique, on appelle cette étape "les repérages". Par déformation professionnelle, j’ai conservé cette méthode de travail. Elle me permet de m’immerger, comme mes personnages, dans l’univers qu’ils vont parcourir. J’ai besoin de capter la puissance visuelle des décors de manière à pouvoir lui faire jouer un rôle dans l’histoire que je vais raconter.

YF : Ton récit parle d’une culture vaudou particulière du sud des Etats-Unis...

RM : Le vaudou fait partie intégrante de l’histoire du Sud. La culture Gullah a été importée principalement d’Angola avec le trafic des premiers esclaves. Elle s’est installée dans les Basses Terres, cette région côtière qui s’étend de la Caroline du Sud à la Géorgie où les esclaves ont cultivé le riz. La religion vaudou a suivi, se mélangeant comme partout ailleurs avec celle des colons. La frontière entre la réalité et les croyances s’est estompée et de là sont nées plusieurs légendes locales. L’une d’elle a inspiré mon intrigue : celle de Shadduh, cette ombre qui s’introduit chez les gens pour arracher les enfants maltraités à leurs parents. Elle les conduit dans un pays imaginaire d’où ils ne peuvent revenir. C’est une sorte de variation sur la légende du Joueur de Flûte de Hamelin.

YF : Ce roman braque également la lumière sur le terrible sort des enfants des rues...

RM : On a l’impression que ce fléau ne concerne que le Quart-monde. Mais il touche toute la planète et notamment les grandes métropoles. En ce qui concerne la Caroline du Sud, sur 230.000 enfants qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, 5% d’entre eux sont sans abris. Soit 11.500 !! La plupart errent dans les rues sans parents, seuls ou en bande. La moitié d’entre eux ont moins de 6 ans.

YF : Si je te dis que l’intrigue a beau être digne des bons auteurs américains de thrillers, elle propose également des émotions plus universelles, qu’en penses-tu ?

RM : Je n’ai jamais fait de distinction entre littérature noire et blanche. Je prends autant mon pied en lisant R.J. Ellory que Pat Conroy. En tant que lecteur, je cherche autant l’évasion et le mystère que le dépassement de soi et l’émotion. L’humanité des personnages reste le point fort indispensable pour moi. Au cinéma, c’est pareil. Les films purement "pop corn" m’ennuient autant que les films "intellichiants". Le rêve sans la réflexion ne m’intéresse pas. La réflexion sans le rêve non plus. Il me faut les deux.

YF : Ton intrigue est haletante, mais tu sais également laisser du temps au temps. C’est une toute autre manière de travailler que sur un scénario, toi qui travaille pour les deux univers ?

RM : Il y a des points communs entre les deux manières de travailler. Le sens du timing est capital pour un thriller bien sûr. Que ce soit sur papier ou à l’écran. Mais si l’on ne prend pas le temps de faire connaissance en profondeur avec les personnages qui vont y être impliqués, le lecteur comme le spectateur restera extérieur à l’intrigue. Or, le but, dans les deux cas, est qu’il se projette dans les personnages, qu’il vive des émotions à travers eux, que l’aventure proposée devienne la sienne. Ce que l’on appelle la "direction d’acteur" au cinéma s’apparente souvent au fait de communiquer au comédien des informations sur le personnage qu’il interprète, lesquelles ne sont pas forcément écrites dans le scénario. Car un script est un document très objectif, très clinique. C’est par la magie de son art que le comédien fait ressentir cette émotion au spectateur. Dans un roman, il faut prendre le temps de communiquer les pensées les plus intimes des personnages au lecteur afin qu’il puisse vivre émotionnellement l’aventure proposée. Sans pour cela sacrifier le rythme de l’intrigue.

Copyright © 2006 - René Manzor