Le Passage
Interview
"L’amour est plus fort que la mort" Propos recueillis par C.R. Dupin, Lyon Matin, Décembre 1986
Avec son premier long-métrage, « Le Passage », René Manzor provoque la surprise. Il s’agit, en effet, d’un film différent, portant sur la vie et la mort, sur l’amour d’un père pour son fils et qui alterne dessin animé et images réelles. Une aventure qui a commencé pour lui il y a six ans.
Lyon Matin : Comment est née l’idée de ce film ?
René Manzor : C’était il y a six ans. J’avais alors 19 ans. Et pendant ces six années, j’ai essayé en vain de monter le film. J’ai fait toutes les maisons de production de Paris et partout on m’a répondu : film trop cher, trop ambitieux, film américain...
L.M. Comment, finalement êtes-vous parvenu à vos fins ?
R.M. : J’ai préparé, pendant ces années, un film pilote qui montrait dans quel esprit allait être traduit le scénario. Puis j’ai mis en chantier les parties d’animation, car à la base, je suis dessinateur. Le film pilote durait dix minutes. Mais les personnes à qui je le montrais ne se sentaient pas de taille à l’entreprendre.
L.M. : Comment avez-vous eu l’idée de vous adresser à Delon ?
R.M. : Au départ, j’avais pensé à lui pour le rôle du père. Mais cela me semblait un rêve fou. Mon frère, Francis Lalanne, a rencontré les hommes de confiance d’Alain qui ont beaucoup aimé l’histoire. Ils en ont parlé à Delon en lui disant qu’il devrait le produire. Et Delon a dit : « Mais c’est un rôle pour moi. »
L.M. : Mais l’idée du scénario, comment vous est-elle venue ? Avez-vous eu une mort dans votre entourage ?
R.M. : A vrai dire, je ne sais pas très bien. Bien sûr, comme tout le monde, j’ai perdu des êtres chers. J’ai eu aussi des amis touchés par la mort d’un proche et j’ai eu beaucoup à consoler. J’ai toujours su trouver les mots.
L.M. : Est-il plus facile de dire les choses avec des images, plutôt qu’avec des mots ?
R.M. : C’est ce que je pense. La sensibilité est plus forte avec l’image, donc on va plus loin. Les mots sont maladroits. Il faudrait être un acrobate des mots et encore, on n’est pas toujours perçu.
L.M. : Quel est votre contact avec le public ?
R.M. : J’essaie d’aller vers lui le plus possible. C’est le problème au cinéma. Contrairement au music hall ou au théâtre, on n’a pas de contact direct avec le public. On ne connaît pas ses réactions. A la sortie du film, j’ai vu des gens en larmes, d’autres en état de choc. Ils se mettaient à en parler et, parfois, racontaient une histoire différente.
L.M. : Et les enfants, est-ce à eux que vous vouliez vous adresser ?
R.M. : C’était, en effet, mon intention. C’est pour les enfants que j’ai fait le film. Et leurs réactions sont assez inattendues. Un enfant de neuf ans m’a demandé si, à la fin, c’était le père qui rejoignait le fils et ressuscitait ou si c’était l’enfant qui le retrouvait dans la mort.
L.M. : Finalement, quelle morale peut-on tirer du film ?
R.M. : J’ai voulu dire que l’amour est plus fort que la mort. Et transmettre mes idées sur la non violence. En somme, retrouver un peu de cette enfance que chacun de nous conserve en soi.
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